#112 De l'intérêt de la beauté
Chers amis,
Je vous avais parlé la semaine dernière de l’importance de la beauté pour trouver un sens à son existence, pour garder l’esprit clair en dépit d’un environnement en constante mutation.
Il y a plusieurs raisons objectives de placer le beau comme point de repère de notre existence, en voici quelques-unes :
· La beauté nous pousse à devenir meilleur : avez-vous remarqué que faire quelque chose de beau est généralement assez difficile ? Jouer quelques notes de violon justes peut demander plusieurs années de travail. Faire un beau tableau nécessite d’apprendre des techniques, de faire des essais, des études. Quant à écrire un roman, croyez-moi, si j’étais payé à la ligne, j’aurais un salaire confortable ! Hélas, je rature, j’efface, je conserve uniquement ce qui me semble être beau : du coup, il ne reste plus grand chose. Au-delà des arts, c’est également une réalité anthropologique : le beau nous pousse à nous dépasser dans l’idée de nous reproduire. La littérature a énormément produit sur ce sujet, en particulier dans le cadre du conte de La Belle et la Bête, popularisé dans sa forme actuelle par la romancière Jeanne-Marie Leprince de Beaumont en 1756, et repris d’innombrables fois par la suite dans des films et dessins animés.
· La beauté porte en elle une transcendance qui est plus puissante que la force : en 1944, Hitler ordonne au général Von Choltitz, gouverneur militaire de Paris, de procéder à la destruction de la ville. Conscient de l’inutilité d’une telle action, il refuse d’obéir, une belle histoire à retrouver dans le film Paris brûle-t-il ? A contrario, en dépit de la nécessité de libérer le territoire et de la forte sympathie de la population française pour les anglo-saxons, les destructions provoquées par les bombardements alliés suscitent encore aujourd’hui un certain ressentiment. Aujourd’hui, dans un monde où tout paraît tranché par la donnée, les calculs, la real politik, je trouve très rassurant de savoir qu’il existe une dimension qui peut échapper à tout cela.
· La beauté prend de la valeur avec le temps : autrement pourquoi chercher à conserver des œuvres dans des musées ? Pourquoi dépenser des millions pour lire des manuscrits carbonisés lors de l’éruption du Vésuve, en 79 ap. J.C. ? Qui pourrait dire aujourd’hui que l’argent investi dans le château de Versailles aurait été mieux dépensé ailleurs ? Ce monument a connu un retour sur investissement incroyable, et contribue encore largement au rayonnement de la France, sans parler des recette touristiques.
· La beauté porte en elle un capital sympathie : c’est comme ça, la beauté nous plaît, et nous lui rendons bien. En général, les gens au physique agréable ont de meilleures opportunités professionnelles que les autres. Sur un plan collectif, je peux vous assurer, pour avoir vécu quelques années à l’étranger, que la France bénéficie d’un tel capital sympathique à travers le monde. Est-ce en raison de ses scientifiques ? De ses philosophes ? De ses conquêtes militaires ? Non : c’est grâce à ses paysages, ses monuments, sa mode, sa gastronomie, etc. même si l’on ne peut pas séparer toutes ces dimensions (exemple : pas de guerres d’Italie, pas de châteaux de la Loire).
· La beauté est un aperçu d’un futur possible, la promesse de ce que nous pourrions accomplir si nous agissions comme il fallait : c’est particulièrement vrai, je trouve, dans le domaine de l’architecture. Presque toutes les utopies littéraires s’appuient sur la perfection esthétique d’une cité ou d’un pays (Utopia, le Familistère, Brave new world, etc.).
Bref, la réflexion sur la beauté porte en elle un potentiel incroyable, pour vous individuellement, et pour nous en tant que pays. Je vais m’appliquer lors des prochains articles à développer cette pensée qui s’étend au-delà de la sphère matérielle.
Car ne parle-t-on pas de “beau geste” ? Retrouvez-en un exemple dans le dernier épisode du château, qui porte sur un passage des guerres de Religion dans la ville d’Annonay !
Au fait, pour les gens à proximité de Bourg-en-Bresse, je serai ce week-end au salon du vin de Saint-Denis-les-Bourg !
Je suis votre humble serviteur,
Vivien Destro
P.S : Les Tuileries, huiles sur toile (1876) réalisée par Claude Monet, conservée au Musée Marmottan. J’ai parcouru des dizaines de tableaux pour illustrer cette lettre, et celui-là m’a littéralement sauté au visage ! Pourquoi certaines choses nous interpelle plus que d’autres ? Pourquoi ce tableau me paraissait plus approprié qu’un autre ? Je développerai tout cela bientôt ;)